Droit d’asile et statut du réfugié : origines et évolution

Rédigé le 25 février 2013 par : Audric Gilman

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Le droit d’asile moderne, tel que nous le connaissons aujourd’hui, est né des suites des horreurs de la seconde guerre mondiale, lorsque la Convention relative au statut des réfugiés, dite de Genève, a été adoptée le 28 juillet 1951 par la Conférence de plénipotentiaires des Nations Unies. Cette Convention constitue depuis lors le principal cadre juridique du statut de réfugié en Europe et dans le monde .
La tradition d’asile existe toutefois depuis bien plus longtemps et n’était pas au départ liée au droit du réfugié. Il est intéressant de nous interroger sur ce qui mena progressivement, au fil des évènements historiques et des évolutions de mentalité, aux textes et aux notions que nous connaissons aujourd’hui.

 

Petit retour en arrière…

Le droit d’asile tire ses racines d’une tradition millénaire. Pendant l’Antiquité et le Moyen-âge, il était défini comme un privilège du protecteur, et non du protégé : une autorité avait le droit de décider d’accueillir une personne de son choix en son sein, quels qu’en soient les motifs. Le droit d’asile pouvait alors également être accordé aux criminels de droit commun, catégorie aujourd’hui exclue des conditions du droit d’asile moderne. A cette époque, ce droit était surtout lié à l’Eglise, les édifices religieux constituant donc les principaux lieux d’asile. Cette protection de l’Eglise disparaîtra progressivement lors de la Renaissance au profit du pouvoir royal, qui voyait cette mainmise de l’Eglise comme une restriction de son autorité.
En France, suite à la révolution de 1789, le droit d’asile est réaffirmé dans un texte exceptionnel de la Constitution française en 1793. Il a alors clairement évolué dans le sens de la protection de personnes menacées injustement et nécessitant un lieu sûr où se reconstruire. Le droit d’asile est devenu une valeur et une règle éthique.
Élément intéressant, après la 1ère guerre mondiale, le passeport Nansen qui voit le jour dans le cadre de la Société Des Nations (SDN) pour protéger les réfugiés victimes de guerre. Créé initialement pour les réfugiés russes ayant fui la révolution de 1917, et devenus apatrides  par la suite d’un décret soviétique de 1922, ce passeport est le fruit d’un accord international conclu le 5 juillet de cette même année. Il sera reconnu dans 54 pays.
Au sortir de la seconde guerre mondiale, le continent européen compte sur son territoire des millions de personnes déplacées. Créée en 1946 par l’ONU, l’Organisation internationale pour les réfugiés (OIR) échoue à prendre en charge ces populations, faute de moyens logistiques dont seules les armées nationales disposent. Apparaît alors en 1949 une nouvelle fonction auprès du Secrétariat général de l’ONU : le Haut commissariat aux réfugiés (UNHCR). L’une de ses premières fonctions fut celle de préparer l’élaboration et l’adoption d’un traité international. Fruit de difficiles négociations dans un contexte de Guerre froide, la Convention de Genève relative au statut des réfugiés est adoptée le 28 juillet 1951.

Cadre et limites de la Convention de Genève

En regard du droit international, l’article 1A2 de la Convention de Genève est central quant à la définition d’un réfugié : « Personne qui se trouve hors de son pays d’origine et qui craint avec raison d’être victime de persécutions [..], et qui ne peut ou ne veut, du fait de cette crainte, obtenir la protection des autorités de ce pays.» L’article énonce cinq motifs de persécution, qui peuvent donner lieu à la reconnaissance du statut de réfugié : « la race, la religion, l’appartenance à un certain groupe social ou les opinions politiques.» Sont cependant exclus de ce statut les criminels de droit commun, les auteurs de crimes contre la paix, crimes de guerres, ou crimes contre l’humanité.
Le contenu de cette Convention est imprégné du contexte historique et politique de l’époque. Conçu au départ pour les réfugiés européens déplacés par la guerre, ce texte était, jusqu’en 1971, serti d’une limite temporelle. Seules les populations déplacées pour cause d’un événement étant survenu avant l’adoption de la Convention en 1951 pouvaient bénéficier de ce statut. Il ne s’appliqua de facto qu’aux réfugiés européens ! Si, après la shoah, l’idée de protéger les populations fuyant les persécutions s’imposait, les démocraties libérales européennes et américaines n’étaient toutefois pas du tout enclines à reconnaitre leurs fautes suite à leurs politiques d’expulsion des populations juives fuyant l’Allemagne au milieu des années 30. Le texte n’oblige aucun Etat à reconnaitre une faute passée, ni à accueillir massivement dans le futur des populations en exode.
Le contexte de la Guerre froide donne de plus à ce texte, ratifié majoritairement par des pays occidentaux, une portée politique dans l’opposition au bloc communiste, dans la mesure où l’accueil et la protection de ses dissidents contribuaient à le discréditer.
Les guerres et les persécutions ne s’arrêtaient pourtant pas aux seules populations européennes et particulièrement sur le continent africain où se succédèrent les guerres d’indépendance contre les colonisateurs, des mouvements de populations parfois intenses avaient lieu. C’est ainsi qu’en 1964, pour faire face à ces grands bouleversements, l’Organisation de l’Unité africaine décida de se doter de sa propre Convention sur le droit des réfugiés.
En 1967, un protocole additionnel, le protocole de Bellagio, encore dit protocole de New-York est adopté par l’Assemblée générale des Nations Unies, dissolvant les restrictions temporelle (avant 1958) et spatiale (Europe) de la Convention de Genève. Les frontières des pays occidentaux deviennent donc sujettes à l’ouverture et à l’afflux des réfugiés, y compris post-coloniaux. En réaction à cette importante modification, la plupart des pays européens ferment administrativement leurs frontières vis-à-vis  des pays hors-Europe et on assiste alors à un grand retournement de la politique d’asile : Si, jusqu’à la fin des années 60, la plupart des demandes d’asile étaient acceptées par les pays signataires de la Convention, après cette période, les taux de rejet des demandes d’asile s’élevèrent inexorablement dans tous les pays du monde, et plus particulièrement en Europe ou ils atteignirent un maxima proche de 100% dans les années 2000.

Organisation de l’espace européen et de la Belgique

Au niveau européen, suite à l’ouverture de l’espace Schengen, la Convention de Dublin a été ratifiée en 1990. Elle établit entre autres une procédure à suivre par les Etats membres pour l’identification du pays responsable de l’examen d’une demande d’asile, l’idée étant d’éviter les  abus en ce qui concerne les procédures d’asile (plusieurs demandes dans plusieurs pays). Cette Convention a bientôt été complétée par Dublin II qui, par la mise en place du système EURODAC, dote l’UE d’une base de données pour classifier et répertorier les demandes d’asile des migrants et permettre une circulation de l’information à leur sujet.
Qu’en est-il de la protection des réfugiés en  Belgique? La loi belge prévoit deux statuts de protection : d’une part, le statut de réfugié, tel qu’il est défini par la Convention de Genève et le Protocole de Bellagio et, d’autre part, une protection subsidiaire prévue par l’article 48/4 de la loi belge du 15/12/1980.
La protection subsidiaire est accordée aux personnes qui demandent l’asile parce qu’elles se trouvent dans une situation de danger dans leur pays, mais qui ne peuvent pas obtenir le statut de réfugié parce qu’elles ne rentrent pas dans les critères de la définition de celui-ci. La condition pour l’obtention de ce statut est la suspicion d’une menace grave pour l’étranger s’il devait retourner dans son pays d’origine. La menace grave est définie par la loi selon les critères suivants : « la peine de mort/ exécution ; la torture ou des traitements/ sanctions inhumains et dégradants ; menaces graves pour la vie de la personne  en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international».
Signalons à titre d’exemple que, durant les années 2009-2010, deux tiers des demandes d’asile ont été rejetées. Au total, ce sont près de 17.000 personnes qui ont obtenu le statut de refugiés en Belgique. 

Les réfugiés dans le monde

43,7 millions de personnes sont aujourd’hui déracinées à travers le monde. Sur ce total, on dénombre 15,4 millions de réfugiés (dont 10,55 millions sont pris en charge par le UNHCR). Au sortir de la seconde guerre mondiale, ils étaient 2,1 millions.
D’après l’UNHCR, il existe aujourd’hui un profond déséquilibre dans le soutien international accordé aux personnes déracinées dans le monde. En effet, les pays en développement accueillent quatre cinquièmes des réfugiés, pendant que dans les pays industrialisés, l’hostilité à l’égard des réfugiés s’accroît.
Le Pakistan, la République islamique d’Iran et la République arabe syrienne comptent les plus fortes populations réfugiées avec respectivement 1,9 million, 1,07 million et 1,005 million. Le Pakistan en supporte également les plus lourdes répercussions économiques avec 710 réfugiés pour un dollar de son PIB par habitant (en parité de pouvoir d’achat). En comparaison, l’Allemagne, le pays industrialisé qui accueille la plus importante population réfugiée (594 000 personnes), héberge 17 réfugiés pour un dollar de son PIB par habitant.
L’Europe est donc loin d’être le plus grand lieu d’asile. Il importe donc de remettre les choses à leur place et d’éviter des stéréotypes tendant à mélanger immigrés, demandeurs d’asile, migrants économiques, sans papiers, clandestins et autres arrivants et insinuant que leur objectif à tous serait de « profiter » de notre système social.
 
 
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