Face à l’impuissance, une envie de contribuer : Comment le projet Let’s Talk About est né - Partie 2

Rédigé le 7 décembre 2021 par : Giovanna & Juliette pour Let’s Talk About

Blanchité

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Les personnes blanches ne subissent pas le racisme, elles en bénéficient et le perpétuent. En tant que personne blanche faut-il pour autant profiter de sa position dominante sans se remettre en question ? Ne serait-il pas plus opportun de se dire que nous avons aussi un rôle à jouer dans la déconstruction d’un système raciste ?

Observations

Tout au long de notre travail de sensibilisation, la question de notre légitimité dans le combat antiraciste s’est posée et continue de se poser. En effet, nous observons que nous sommes plus facilement valorisées parce que nous sommes deux jeunes femmes blanches qui parlent de racisme structurel, comparé aux personnes racisées qui font un travail de sensibilisation depuis plusieurs années. Les gens nous attribuent le mérite du travail de celles et ceux qui sont marginalisé·es et qui luttaient bien avant que l’on décide de s’investir. Nous devons donc trouver notre place dans cette lutte : une place juste, adaptée, qui ne déborde pas et qui n’efface pas le travail des autres. En d’autres termes, une place qui ne prend pas celle qui ne nous appartient pas. Cette recherche est quotidienne et chaque projet que nous entamons avec Let’s Talk About nous pousse à réfléchir à la place que nous allons prendre en partageant telle ou telle information.

Nous avons reçu des réactions positives de la part de la majorité des personnes racisées, mais également quelques réactions négatives. Dans ces situations, nous nous concertons et nous efforçons de comprendre la pensée de la personne, nous remettant en question et nous concertant éventuellement avec d’autres personnes racisées.

Malheureusement, nous observons que les personnes blanches ne constituent qu’une minorité des personnes qui suivent notre travail. Même si nous avons eu l’occasion de répondre aux questions de certaines personnes blanches, ces interactions restent très limitées. Nous avons également constaté que très peu de personnes blanches sont prêtes à se remettre en question ou à confronter leurs réactions de fragilité blanche (que nous avons pourtant tous et toutes en tant que Blanc·hes). Peu d’entre elles ont vraiment envie de changer ce système de domination ou sont prêtes à fournir des efforts ou sacrifices afin de délaisser certains de leurs privilèges, elles préfèrent rester à l’abri du racisme et de ses conséquences. Peu de personnes blanches sont prêtes à perturber leurs dîners entre ami·es ou de famille lorsqu’une “blague” raciste surgit. Devant un écran, il est plus facile de fuir cette réalité, en quittant la page du site internet, ou en se tournant vers un autre contenu. Cela reste une information virtuelle. C’est parce que l’on estime que les contacts directs ont plus d’impact que dans un second temps Let’s Talk About aimerait sensibiliser les personnes blanches sur le terrain, aux côtés des personnes concernées qui le font depuis un certain temps déjà.

Pistes d’action et de réflexion

La transformation de la société passe d’une part, par le désapprentissage et la destruction de tous les systèmes de domination et d’oppression appris et assimilés inconsciemment, et d’autre part, par l’apprentissage d’outils de compréhension, de critique et d’analyse du monde, en vue de le transformer. En tant que femmes blanches, voici les trois grands axes que nous proposons aux citoyen·nes blanc·hes disposé·es à remettre en question le racisme structurel présent dans notre société.

1. S’informer en lisant et en écoutant les personnes racisé·es

C’est une première étape fondamentale. Comment comprendre une réalité que nous ne connaissons pas sans écouter ceux et celles qui la subissent ?

Commençons par accepter que nous ne détenons pas la vérité et que nous devons laisser la place aux personnes concerné·es qui vivent et connaissent le racisme.

La naissance de Let’s Talk About s’est combinée avec la lecture de nombreux livres, tel que Le petit manuel antiraciste et féministe de la philosophe, militante et auteure brésilienne Djamila Ribeiro.

En Belgique, Estelle Depris, fondatrice de la page Instagram Sans Blanc De Rien, s’adresse aux personnes blanches et rassemble une importante communauté sur les réseaux sociaux. Son travail, ses encouragements et la visibilité qu’elle a donné à Let’s Talk About auprès du public blanc sont une source d’inspiration quotidienne. De son côté,  Nicholas Kumba, journaliste bruxellois, nous inspire au travers de ses nombreux articles, interviews, engagements, échanges et conseils. Enfin, l’équipe de Racism Search, plateforme interactive créée dans le but de sensibiliser et lutter contre le racisme, partage de nombreux·ses articles et analyses sur le racisme et ses conséquences.

Les contenus qualitatifs sont nombreux et à portée de main : articles, podcasts ou interviews sont accessibles en quelques clics. Nous avons mis à disposition la liste des sources que nous avons utilisées pour la création du contenu de Let’s Talk About et qui nous ont permis de prendre conscience du racisme et de ses conséquences. C’est une liste non-exhaustive de recommandations et documentations liées à la lutte anti‑raciste à l’attention des personnes blanches qui veulent entamer une première piste de réflexion, et peut-être, d’action.

2. Remettre en question la place que l’on occupe dans la société et notre participation à un système d’oppression

Comment affronter le racisme si l’on ne se pose pas les bonnes questions? Le racisme fait partie intégrante du système dans lequel on vit, et c’est chaque petit aspect de cette société que nous allons devoir remettre en question pour le comprendre et lutter contre.

Cela fait seulement quelques années que nous nous rendons compte de ce qu’être Blanc·he implique dans une société occidentale comme la nôtre. Avant cela, nous vivions dans l’insouciance et l’utopie des privilégié·es qui ne voient pas les couleurs de peau, pensent que l’on est tou·tes égaux et égales, pour qui le racisme ne se définit que par des actes de haine singuliers interpersonnels et qui ne se questionnent jamais sur la place sociale qu’iels occupent dans la société, car iels n’ont tout simplement pas besoin de se poser ce genre de questions.

L’étape la plus importante est donc sans doute celle du questionnement et de la remise en question de la place sociale que l’on occupe dans la société en tant que personne perçue comme blanche, et de ce fait, de se questionner sur notre participation à ce système d’oppression qu’est le racisme structurel. Cela implique également de se rendre compte de nos privilèges ainsi que des préjugés, termes et commentaires racistes que l’on perpétue dans notre quotidien, parfois même sans s’en rendre compte.

Ensuite, vient la compréhension des concepts énoncés plus haut tels que la fragilité blanche ou le syndrome du sauveur blanc.

3. Parler à son entourage blanc du racisme structurel, intervenir en cas de commentaire ou de remarque racistes

Ce travail de déconstruction passe aussi par la sensibilisation de son entourage blanc. Ce n’est qu’en voyant les différences, en se rendant compte des privilèges liés à notre couleur de peau et en en discutant avec notre entourage que les conséquences du racisme structurel pourraient être allégées. Il faut reconnaître que nous sommes divisé·es et qu’il nous faut trouver les moyens de vaincre nos peurs, préjugés, ressentiments et rivalités.

C’est une tâche compliquée qui amène souvent à des conversations compliquées, houleuses voire conflictuelles. Pourtant, ces remarques et conversations sont indispensables pour éviter qu’un emploi soit refusé à une femme parce qu’elle porte le foulard, qu’une personne meure à l’hôpital car ses plaintes n’ont pas été prises au sérieux, ou qu’une personne subisse des attaques personnelles quotidiennes sur son lieu de travail.

Parfois, il faudra prendre du recul face aux personnes qui ne veulent pas et ne voudront pas comprendre la réalité du racisme. C’est là aussi que des relations peuvent être mises à mal.

Les pistes de réflexion et d’action sont bien plus nombreuses, elles se découvrent au quotidien. Ces trois grands axes permettent déjà d’avoir une idée de ce qu’un investissement dans la lutte antiraciste demande. Certes, il vaut mieux faire les choses à moitié que de ne pas les faire du tout, mais le racisme est un sujet sensible, et l’on ne peut pas décider de s’investir dans la lutte antiraciste en négligeant celles et ceux qui le subissent et/ou en refusant de se remettre personnellement en question[1].


[1] On peut diviser ces trois grands axes en 7 pistes d’action et de réflexion  : 1) S’informer en lisant et écoutant les auteuret autrices racisé·es ; 2) Écouter la personne racisée qui nous fait une remarque, critique, réflexion ou qui nous fait part de son quotidien ; 3) Être prêt·e à se remettre en question et questionner la place sociale que l’on occupe dans la société, c’est-à-dire questionner sa blanchité ; 4) Accepter que nous ne détenons pas la vérité et que nous devons laisser la place aux personnes concerné·es ; Se rendre compte de ses privilèges, préjugés et de sa participation à un système d’oppression ;  5) Remettre en question son langage courant et son attitude quotidienne ; 6) Parler à son entourage blanc du racisme structurel, intervenir en cas de commentaires ou de remarque racistes ; 7) Prendre du recul face aux personnes qui ne veulent pas et ne voudront pas comprendre la réalité du racisme.

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