La police, garante de notre sécurité ?

Rédigé le 21 juin 2013 par : Marie Peltier

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Dans un contexte où la médiatisation autour de la question de l’insécurité semble toujours croissante, les policiers sont souvent présentés comme source potentielle de solution, ou blâmés pour trop de laxisme. Mais qu’en est-il de leur situation sur le terrain ? Comment perçoivent-ils cette question et les attentes à leur égard ? Quelle est la réalité de l’insécurité pour ceux dont la mission est d’assurer la sécurité entre citoyens ? Nous sommes allés à la rencontre d’un jeune policier de Bruxelles, formé en criminologie et membre de la police d’intervention, qui nous a partagé son éclairage et son analyse personnelle.

 L’insécurité, une question subjective

Le premier élément qu’il convient de clarifier est la grande différence observée entre perception de l’insécurité et insécurité réelle. Les enquêtes concernant Bruxelles par exemple (voir à ce sujet les « Moniteurs de sécurité »)[1] montrent que le lien entre la criminalité réelle au sein d’un quartier et le sentiment d’insécurité subjectif que vivent les habitants de ce quartier, est limité. On observe par ailleurs que ce qui est dérangeant pour les gens n’est pas forcément lié à l’insécurité objective. La question de la salubrité publique, par exemple, est un facteur influant beaucoup sur la perception des habitants d’un quartier, alors qu’il n’est pas intrinsèquement déclencheur de criminalité. De manière générale, les facteurs augmentant le sentiment d’insécurité sont l’âge élevé, l’isolement, la précarité et le fait d’avoir déjà été victime d’une agression.

Le deuxième élément qui mérite toute notre attention est le fait que certains médias ou hommes politiques peuvent instrumentaliser les statistiques de criminalité, dont une juste interprétation est pourtant extrêmement difficile. Ainsi, certains types de faits font l’objet de plaintes quasi-systématiques, quand l’enjeu est de bénéficier d’une intervention des assurances (déclaration à la police obligatoire). A l’inverse, d’autres, parce qu’il n’y a pas d’enjeu financier ou parce qu’il s’agit de faits plus difficiles à exprimer ou « tabous » (tels les viols), ne font que rarement l’objet d’une plainte. D’autre part, les chiffres peuvent varier fortement d’une année à l’autre si l’on change les paramètres d’enregistrement d’un fait (par exemple en retirant cet enregistrement au Parquet). Il est aussi à noter que, paradoxalement, plus la présence policière est grande dans une zone, plus les chiffrent s’accroissent, les faits criminels faisant l’objet d’un « repérage » plus grand et donc d’un enregistrement plus systématique. Les chiffres de criminalité ne représentent donc pas la criminalité réelle. Devant le risque de mal les interpréter ou, en mettant tel ou tel chiffre en avant, de les utiliser pour gonfler le sentiment d’insécurité, la plus grande prudence s’impose…

Rôle de la police pour contrer le sentiment d’insécurité

Quand on évoque la question de la sécurité, très vite est évoqué le rôle de la police et ses possibles modalités d’action en ce sens. A cet égard, on peut dire que la police a beaucoup changé depuis 20 ans, dans le sens d’une plus grande intégration dans la société, au contraire d’une approche par le passé plus « casernée », coupée du monde. Une des orientations a été de promouvoir la diversité dans le recrutement, afin d’avoir une police qui « ressemble » à la société.

On a par ailleurs ces dernières années, beaucoup entendu parler dans le débat public de l’importance de la prévention, complémentaire d’une politique d’intervention. L’une des pistes souvent avancée a été celle de la « police de proximité », proche du citoyen et présente sur le terrain en amont de l’acte criminel.

Cette police de proximité, effectivement à l’œuvre dans certains quartiers à Bruxelles, joue en effet un rôle important au niveau « micro ».  Ainsi, la pratique des « Koban » (venant du Japon) consiste à confier à la police de proximité un tout petit territoire géographique – quelques rues. De cette manière, il existe une possibilité de réel dialogue entre policiers et habitants du quartier, se connaissant par leur nom et entretenant donc une relation de confiance. Cela permet au policier d’identifier à l’avance les facteurs de risque pour telle ou telle famille qui connait des difficultés, tels ou tels voisins qui ne s’entendent plus, telle ou telle bande de jeunes un peu bruyants, … Cela participe également d’un sentiment plus grand de sécurité pour les habitants du quartier, identifiant une présence policière proche et au quotidien. Cette pratique s’inscrit dans une dynamique de décentralisation, à l’œuvre ces dernières années, qui permet que les gens fassent plus « facilement » appel à la police. Les limites de cette approche résident dans le fait qu’elle ne peut pas tout régler, étant circonscrite au cadre légal, alors même qu’elle engendre parfois des attentes disproportionnées.

En complément, il convient donc de disposer d’une police d’intervention efficace, rapide, et œuvrant dans le même esprit que la police de proximité, dans le dialogue et la non-stigmatisation. De manière générale, le travail de la police d’intervention est également bien perçu car elle intervient à la demande des citoyens. Le retour à leur égard est généralement bon, car dans ce contexte le policier est perçu comme celui qui vient aider à régler le litige. De plus, à Bruxelles, la police est très présente sur le terrain, et donc plutôt rapide et efficace.

De manière générale,  le travail s’avère plus difficile dans certains quartiers où certaines communautés sont fortement représentées, ce qui peut générer chez les habitants du quartier comme chez les policiers une logique de clivage (eux/nous). Plus les groupes sont homogènes, plus on arrive à cette tension. On peut considérer que le travail d’un bon policier est d’inverser cette logique de deux groupes se rencontrant sur le mode conflictuel, à partir d’un dialogue intègre.  Il s’agit d’un défi important.

Un autre défi réside dans une bonne communication et échange d’informations entre ces deux « pôles » (proximité et intervention), afin de rendre l’action de la police vraiment efficiente. De cette manière un suivi prévention/intervention dans une dynamique bilatérale, peut s’installer et permettre d’apporter les réponses adéquates aux situations réelles ou vécues d’insécurité. 

Vécu du sentiment d’insécurité par les policiers

Une autre question qui vient à l’esprit, quand on s’interroge sur le rôle des policiers face au sentiment d’insécurité, concerne leur propre vécu de cette réalité. Ce sentiment est-il partagé par les policiers eux-mêmes ? Cela influe-t-il sur leur travail et leur perception de la criminalité ?

Globalement, on peut dire que les policiers sont logés à la même enseigne que les autres citoyens, mais qu’ils sont aussi, à travers leur travail, plus exposés et plus confrontés à la violence. On peut aussi remarquer que si le mode de communication du policier à l’égard du citoyen ne se fait pas sur fond d’abus, il n’y a pas réellement de raison de craindre une attitude hostile à leur égard.

L’élément prépondérant semble être l’expérience vécue par chaque policier. Si un policier a été victime d’une agression pendant son service, sa perception de l’insécurité s’en trouve évidemment modifiée. Si la formation donnée en amont permet de se préparer à cette éventualité, elle ne peut évidemment prévenir le choc post-traumatique et les éventuelles séquelles sur le plan psychologique d’un acte criminel subi.

Pour que le sentiment d’insécurité ne gagne pas de manière excessive un policier, la formation en amont (conseils, outils d’analyse, mise en perspective) et l’accompagnement psychologique en aval sont donc fondamentaux. Certains policiers, ayant également une formation complémentaire en criminologie ou en approche interculturelle par exemple, peuvent aussi aider à remettre en perspective des réalités vécues, non pour les minimiser mais bien pour les contextualiser. La question de la manière d’appréhender sa mission et d’envisager sa manière d’être avec les citoyens dans une optique de dialogue, telle qu’elle est abordée en formation, est aussi prépondérante pour la perception de la criminalité par le policier.

En guise de conclusion

Le rôle du policier est important pour  la perception de l’insécurité dans une population donnée. Si un bon travail de proximité est associé à une intervention efficace en cas de litige, dans un esprit inclusif et de dialogue, le policier peut contribuer à un sentiment de sécurité plus grand dans nos quartiers. Toutefois, face à un sentiment par essence subjectif, on ne peut attribuer aux seuls policiers la capacité de changer la donne chez le citoyen. L’important est sans doute, pour les policiers comme pour les citoyens, de pouvoir le plus possible comprendre et remettre en perspective les réalités de la criminalité. Certainement un des rôles à jouer par l’éducation permanente…

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