Que peuvent les communes pour leurs résidents étrangers ?

Rédigé le 13 septembre 2012 par : Nicolas Bossut

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La commune est le lieu par excellence du vivre-ensemble. S’y retrouvent des citoyens belges mais aussi des ressortissants étrangers, qu’ils soient européens ou non. Tous, s’ils respectent certaines conditions, auront le droit de voter en octobre. Quelles politiques la commune peut-elle alors mettre en place pour assurer une place à chacun et favoriser la cohabitation harmonieuse de tous ses habitants, qu’ils soient belges ou étrangers ?

En Belgique, les compétences des communes sont nombreuses. En théorie, une commune peut faire tout ce qui ne lui est pas explicitement interdit. Cependant, la loi peut lui imposer un certain nombre de missions qu’elle devra obligatoirement remplir. En pratique, les communes s’occupent principalement d’assurer la satisfaction des besoins collectifs de ses habitants. Cela va donc de l’enseignement à l’aménagement du territoire, en passant par le logement, les questions sociales, la petite enfance ou la santé.

L’octroi du droit de vote aux étrangers pose de manière bien plus évidente que précédemment la question de l’attitude que les communes doivent adopter par rapport à cette catégorie de population. Il implique en effet une double responsabilisation : celle des résidents étrangers qui, en votant, s’impliquent dans la vie politique de leur lieu de vie et celle des élus qui auront désormais des comptes à rendre à l’ensemble des habitants de leur commune et non plus aux seuls citoyens.

Les résidents étrangers, plus que les autres, font face à de nombreuses difficultés dans leur vie quotidienne. Immergés dans un univers qui n’est pas le leur, dans lequel tous leurs repères sont brouillés, ils sont contraints de trouver jour après jour des trésors d’inventivité pour s’adapter aux conditions de leur nouveau lieu de vie. Par ailleurs, leur simple présence, si elle est une source de richesse indéniable, peut également être une source de tensions.

Situées en première ligne, les communes, si leurs élus prennent conscience de leurs responsabilités[1], peuvent se mobiliser pour accueillir les nouveaux venus, lutter contre les discriminations et préjugés, multiplier les échanges entre les communautés et réaliser un vivre-ensemble harmonieux. Une telle mobilisation implique de favoriser les initiatives visant à faire reculer la pauvreté et la précarité, assurer un logement décent, fournir un enseignement qui élargisse le champ des possibles, améliorer les dispositifs de santé, etc.

Les communes disposent déjà de nombreux outils pour atteindre cet objectif. Certains ont déjà fait leurs preuves ; d’autres pourraient être améliorés.

Accueil

Arriver dans un nouveau pays, c’est être confronté dès la première minute à la difficulté de la langue, à la méconnaissance des us et coutumes du pays mais aussi à ses lois et règlements. Plus la ville où ils s’installent est grande, plus il est difficile aux nouveaux arrivants de faire leurs premières marques, de trouver un emploi, un logement.

Dans ces conditions, les communes ont un rôle à jouer. Elles pourraient mettre en place des dispositifs visant à informer et orienter les nouveaux résidents. Ces dispositifs pourraient prendre la forme d’un « parcours d’accueil communal », d’un centre d’information et d’orientation, voire d’une formation spécifique et adaptée à la rencontre interculturelle destinée au personnel d’accueil de la maison communale. Ces dispositifs auraient pour objectif d’orienter les derniers venus vers les structures d’apprentissage du français, vers les éventuelles associations susceptibles d’aider leur insertion, d’expliquer le fonctionnement des services communaux, etc.

Logement

Il n’est pas rare de voir des propriétaires peu scrupuleux profiter de la crédulité de nouveaux arrivants pour leur louer des logements insalubres à des prix scandaleux. Les communes ont une responsabilité toute particulière pour veiller à ce que ces « marchands de sommeil » soient pourchassés et punis.

Cependant, il est également de leur responsabilité d’assurer le droit à chacun à un logement décent tel que le prévoit l’article 23 de la Constitution. Cette responsabilité passe notamment par la construction suffisante de logements sociaux mais aussi par la taxation, la rénovation ou la location forcée des immeubles inoccupés.

Si l’accès au logement est évidemment essentiel, la gestion de la diversité et le dialogue interculturel le sont également. Les conflits dus aux odeurs de cuisine, aux nuisances sonores ou à des conceptions différentes de l’entretien des communs sont fréquents dans les logements collectifs. Certaines communes soutiennent déjà des actions de sensibilisation à la diversité, à l’interculturalité et aux relations intergénérationnelles dans les logements sociaux. Ces initiatives pourraient être étendues plus largement, assorties de médiateurs, d’autant plus qu’elles permettent souvent d’éviter l’intervention de la police et d’envenimer les conflits.

Formation des adultes

La première étape de la formation des adultes est l’apprentissage de la langue française et leur alphabétisation quand cela est nécessaire. Ces tâches sont souvent l’œuvre d’associations subventionnées par les pouvoirs publics. Comme beaucoup, elles luttent pour survivre, faisant l’impossible pour joindre les deux bouts. Le support matériel ou financier de leur commune leur permettrait sans nul doute d’améliorer les services qu’elles offrent.

Dès cette première étape franchie, les institutions d’enseignement communal de promotion sociale jouent un rôle central dans l’insertion des adultes. Elles offrent de nombreuses formations qui peuvent permettre aux nouveaux arrivants d’adapter leurs compétences aux spécificités du marché belge de l’emploi. Suivre ces formations est souvent la voie royale pour l’obtention d’un emploi.

Enseignement

Si l’arrivée dans un nouveau pays est difficile pour les parents, elle l’est tout autant pour les enfants. De nombreuses écoles accueillent des élèves qui se retrouvent dans certains cas sans bagage scolaire ni connaissance de la langue française. Ces élèves ont besoin d’un encadrement spécifique afin de bénéficier comme tous les autres enfants des mêmes chances dans la vie. Leur refuser un tel encadrement, c’est les enfermer dans une spirale d’échec qui ne pourra que les amener à l’exclusion, la précarité et la violence.

Des classes-passerelles existent ainsi dans de nombreuses communes. Il s’agit de classes où les nouveaux venus peuvent trouver un encadrement spécifique leur permettant aussi bien d’apprendre la langue, de se mettre à niveau que de comprendre les exigences du système scolaire belge.

Malheureusement, le manque de places dans ces classes-passerelles est à ce point criant que de nombreux élèves étrangers sont orientés vers l’enseignement spécialisé de type 8[2], normalement réservé aux enfants atteints de troubles instrumentaux (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, …).

Cet expédient bien commode a cependant des conséquences négatives importantes. Outre l’embouteillage qu’il provoque dans les écoles d’enseignement spécialisé, il enferme un enfant dans un système où il n’a absolument pas sa place. Il est en conséquence urgent que les communes investissent dans l’ouverture de nouvelles classes-passerelles.

Petite enfance

Le manque d’infrastructures d’accueil de la petite enfance à coût réduit constitue un des freins majeurs à la formation des adultes et à la mise à l’emploi. Certaines communes proposent des « haltes-accueil » qui offrent un accueil occasionnel et de courte durée à des enfants dont les parents veulent suivre une formation, travaillent quelques heures par semaine ou veulent effectuer des démarches administratives, médicales ou de recherche d’emploi. Ces haltes sont salutaires et sont souvent la seule solution dont disposent les parents.

Culture

La culture est au cœur de l’identité. Les communautés établies en Belgique disposent de nombreuses associations visant à faire vivre la culture qui est la leur. Elles permettent à leurs membres d’aller à la rencontre de l’autre et de favoriser l’émergence d’une vie collective qui est essentielle au bien-être de chacun.

Malgré leur importance dans la vie de ces communautés, peu de ces associations disposent d’une reconnaissance ou d’un financement. La seule mention d’une activité communautaire suffit encore à effrayer nos responsables locaux qui refusent dès lors tout financement ou support matériel aux associations.

Pourtant, d’autres modèles existent. Les communes flamandes n’hésitent pas à financer des associations représentant toute la diversité des cultures présentes. Soutenue par la Région qui a instauré un organe représentatif des minorités, le « minderhedenforum », cette politique a permis d’assurer une meilleure intégration des diversités qu’en Communauté française.

Culte

La loi belge prévoit que la commune prend en charge l'entretien des édifices religieux et les frais liés à l’exercice du culte. Les importantes migrations que la Belgique a connues au cours du 20ème siècle ont apporté avec elles une diversification des pratiques religieuses de la population. Aujourd’hui, les cultes catholique, protestant, israélite, anglican, orthodoxe et islamique sont reconnus.

Il paraît évident que chacun de ces cultes doit être soutenu par la commune au prorata de la population qui s’en revendique. Or, il est encore trop fréquent que certains d’entre eux soient favorisés au détriment des autres. Cette situation ne peut qu’attirer la rancœur dans le chef de ceux qui s’estiment lésés, parmi lesquels de nombreux étrangers pour qui la pratique religieuse est un moment important de socialisation, de rencontre et d’échange.

 


[1] Voir Mémorandum pour une commune interculturelle, proposition du DISCRI en vue des élections d’octobre 2012

[2] Les classes-passerelles : ce qui doit être amélioré, Coordination des ONG pour les droits de l’enfant, novembre 2010 (http://www.lacode.be/IMG/pdf/Les_classes_passerelles.pdf) 

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